Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Quel est ton parcours ?
Je m’appelle Edileuza GALLET, je suis née au Brésil, à Brasília et je vis en France depuis 25 ans.
Je suis mariée et j’ai deux enfants. J’exerce la profession de psychanalyste en libéral à Bordeaux.
J’ai commencé mes études en France par un Master en science politique. Au Brésil, j’avais fait des études de droit avec un diplôme d’avocate.
J’ai toujours eu besoin de comprendre le fonctionnement de l’humain, et également ma propre identité. Bien plus que mes études, j’ai toujours été intéressée par les questions sociales, l’accompagnement de la personne, le soin et… la littérature.
Et pourquoi s’intéresser à la mort
J’aime bien explorer et m’investir sur des sujets où personne ne va.
Comme pour le sujet de la mort, dès mon arrivée en France, j’ai bien ressenti le malaise à parler de ce sujet. Il y a 20 ans, on n’en parlait encore moins facilement. Je voyais bien qu’il manquait quelque-chose. C’est assez paradoxal, quand on vient du Brésil, on a l’impression que tout fonctionne bien en France, les routes, les administrations, l’école… Cependant, force est de constater que peu de choses ont été pensées sur l’accompagnement de la mort dans le pays, à part une offre de service commerciale et standardisée.
Et puis, il y a une autre dimension plus inconsciente : Depuis mon enfance, je me souviens avoir eu peur de mourir, avoir eu peur de perdre mes proches, mes parents. J’ai toujours eu besoin de me confronter à mes peurs. Et je crois que l’une des plus grandes d’entre elles est la peur de mort.
Je crois savoir que les rites ont aussi beaucoup d’importance pour toi…
Oui ça me semble indispensable ! J’ai compris que les humains avaient besoin de rites et les rites funéraires sont un fondement essentiel dans chaque civilisation. Lorsqu’ils sont bien accomplis, ils nous aident à intégrer la mort, la perte et la séparation.
J’ai grandi dans un monde de rites : je suis d’origine indigène, juive et protestante, avec un héritage culturel et familial où l’oralité est centrale. Il m’a semblé alors important de les repenser dans une société de manière collective et de créer un service funéraire laïque. J’avais besoin de trouver du sens sur ce sujet fortement refoulé en France.
Depuis que je vis ici, je me suis donc confrontée à cette question à maintes reprises. Je voulais trouver un canal pour aider les personnes et faire sens commun. Et ça fait déjà plus de dix ans que je me suis formée pour être célébrante laïque et animer des cafés mortels. J’ai réalisé une formation de célébrante de rites funéraires laïques à Genève et c’est aussi en Suisse que j’ai rencontré Bernard Crettaz qui a créé le concept des cafés mortels.
Et comment ça s’est concrétisé ?
Je suis une personne d’action qui souhaite concrétiser rapidement ses idées. Toutefois, je pensais que l’aventure de Syprès avancerait plus vite. Six années ont été nécessaires pour que Syprès devienne une coopérative funéraire et commence à réaliser ses premiers rituels.
L’association Syprès a été créé en 2014. En 2018, le projet commence à se concrétiser autour de la coopérative funéraire avec la levée de fonds publics. Fin 2019, le service funéraire de la coopérative ouvre. Nous sommes en 2023 et bien des choses restent encore à consolider…
Et maintenant quel est ton rôle ?
Aujourd’hui, j’anime les cafés mortels dans les bibliothèques, les libraires, les cafés, les associations, les écoles,…. Ces rencontres sont passionnantes. La diversité des participants, surtout des participantes, et la profondeur des témoignages, souvent très intimes sont d’une grande richesse. De plus, les émotions sont très présentes. On passe du rire aux larmes. Ce sont toujours des moments très forts.
Je suis également membre du conseil coopératif en tant que fondatrice. Maintenant je me positionne surtout comme ambassadrice et porteuse de parole de Syprès. Je vais à la rencontre des personnes à travers des évènements comme des conférences, des séminaires, des prises de paroles.
Ce sont peut-être des détails pour vous, je m’occupe aussi des plantes au sein de l’agence. La présence des plantes a autant de place que celle des vivants ou des personnes défuntes. Pour moi c’est un besoin d’attention à tout ce qui nous entoure et peut être fragile.
A travers les plantes, je tiens dans ce lieu à ce que la vie soit présente. Une présence à laquelle je tiens beaucoup pour accueillir les personnes.
Cette aventure était indispensable ?
Oui, complètement, il m’a fallu beaucoup d’années mais là, je trouve que c’est juste ; faire quelque chose pour les morts, soigner les morts pour guérir les vivants, ça a beaucoup de sens et ça embellit ma vie.